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Le "bouclier financier" des autorités polonaises

L'Ambassade de France en Pologne a préparé un article sur le bouclier anti-crise introduit par le gouvernement polonais.

A retenir:

1- le gouvernement, critiqué pour son 1er plan (trop centré sur les micro-entreprises et sur les banques), a décidé de le renforcer par un effort centré sur la trésorerie des entreprises de toute taille et visant à préserver l'emploi
2- ce "bouclier financier" supplémentaire (23,4 Mds euros, soit 4,5% du PIB) porte l'effort public à un montant très élevé (14% du PIB)
3- le financement de ce volet financier reposera entièrement sur l'émission d'obligations émises par le Fonds Polonais de Développement (= Caisse des dépôts) qui pourront être rachetées par la Banque centrale
4- la mise en œuvre de ce plan annoncée comme rapide et simple par le gouvernement a déjà atteint un but: les organisations patronales et syndicales ont cessé leurs critiques et soutiennent désormais l'action des autorités. 

Présentation et analyse du bouclier

En complétant le premier plan d'aide aux entreprises du 18 mars dernier dit "bouclier anticrise", le Premier ministre a annoncé le 8 avril lors d'une conférence de presse commune avec le gouverneur de la Banque centrale Adam Glapiński, un ambitieux programme d'injection de liquidités dans l'économie dénommé "bouclier financier" (Tarcza Finansowa) d'une valeur correspondant à 4,5% du PIB.

Le nouveau "bouclier financier" vise à renforcer la trésorerie des entreprises et, par ce biais, à protéger les emplois menacé par les effets de l'épidémie. Le programme sera géré par le Fonds polonais du développement (PFR - Polski Fundusz Rozwoju, une institution créée en 2016 pour mettre en œuvre la "plan Morawiecki" axé sur l'idée de faire sortir la Pologne du "piège du revenu moyen" et à axer dorénavant son développement sur l'innovation). Le PFR servirait en direct les grandes entreprises tandis que les microentreprises, ETI et PME/PMI pourraient obtenir des financements prévus par le nouvel instrument par l'intermédiaire des banques commerciales coopérant avec le PFR. D'après le Premier ministre Morawiecki, les financements devraient être disponibles pour les entreprises bénéficiaires au bout d'une période préparatoire de 2 à 3 semaines au maximum.

D'après le chef de gouvernement, le nouveau "bouclier financier" répond aux attentes des entreprises qui ont signalé leur besoin en facilités de financement pour faire face à des problèmes de liquidité en période de crise. M. Morawiecki met en exergue que la nouvelle mesure se démarque par la simplicité car il n'y a que deux principaux critères d'éligibilité pour les entreprises : maintenir l'activité économique de l'entreprise et préserver l'emploi. Le formalisme sera limité au strict nécessaire, la démarche, effectuée par voie électronique, se limitera à une déclaration de l'entreprise intéressée.

D'après M. Morawiecki, la mise en œuvre du "bouclier financier" permettra de préserver de 2 à 5 millions d'emplois, d'après de premières estimations. Le nombre d'entreprises susceptibles de bénéficier du dispositif est évalué par le gouvernement à 670 000.

L'enveloppe du "bouclier financier" de 100 Md PLN (23,4 Md EUR), soit environ 4,5% du PIB, dont 60 Md PLN pourrait avoir un caractère non-remboursable pour permettre aux entreprises de compenser au moins une partie de leurs pertes, sera répartie de façon suivante :

  • 25% pour les microentreprises (25 Md PLN dont 16 Md PLN de fonds non-remboursables, sous conditions),
  • 50% pour les ETI/PME (50 Md PLN dont 32 Md PLN de fonds non-remboursables),
  • 25% pour les grandes entreprises (25 Md PLN dont 12 Md PLN de fonds non-renboursables).


Soutien pour les micro entreprises (effectifs inférieurs à 10, à l'exception des personnes auto-employées) :

  • peuvent être éligibles les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel ou la somme de bilan n'excède pas 2 M EUR et qui ont vu leur chiffre d'affaire mensuel, postérieurement au 1er février 2020 baisser d'au moins 25% sur un mois ou par rapport à la période analogue de l'année précédente ou encore les entreprises qui étaient concernés par un arrêt de leur activité à la suite des mesures sanitaires induites par le Covid-19.
  • le  montant de soutien financier jusqu'à 324 000 PLN (76 000 EUR) pour une période de remboursement de 3 ans au maximum (carence pendant les 12 premiers mois, puis le remboursement effectif pendant 24 mois au maximum),
  • le soutien peut devenir non-remboursable à 75% au total sachant que 25% du montant de financement devient non-remboursable au bout de 12 mois à condition que l'entreprise maintient son activité ; en plus, 50% du montant du financement peut devenir non-remboursable à condition que l'entreprise maintient son niveau d'emploi moyen pendant 12 mois. Si l'entreprise réduit les effectifs, la partie non-remboursable diminue en conséquence.
  • le soutien financier pet utilisé pour couvrir les coûts de l'entreprise et le coût de la main d'œuvre en particulier et, à concurrence de 25% au maximum, pour un remboursement anticipé des crédits contractées par l'entreprise. Les garanties apportées par l'entreprise peuvent être simples comme des lettres de change.


Facilités pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et PME/PMI (effectifs de 10 à 249) :

  • peuvent être éligibles les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 M EUR ou la somme de bilan n'excède pas 43 M EUR et qui ont vu leur chiffre d'affaire mensuel, postérieurement au 1er février 2020 baisser d'au moins 25% sur un mois ou par rapport à la période analogue de l'année précédente ou encore les entreprises qui étaient concernés par un arrêt de leur activité à la suite des mesures sanitaires induites par le Covid-19.
  • la période de remboursement est de 3 ans au maximum (carence pendant les 12 premiers mois, puis le remboursement effectif pendant 24 mois au maximum),
  • montant de soutien dépend de la baisse du chiffre d'affaires à la suite de l'épidémie Covid-19 et correspond à 4%, 6% ou 8% du chiffre d'affaires annuel sachant que le plafond est fixé à 3,5 M PLN (820 000 EUR),
  • le soutien devient non-remboursable à 75% au bout de 12 mois à condition que l'entreprise maintien son activité et les emplois.


Facilités pour les grandes entreprises (effectifs à partir de 250) :

  • conditions de financement négociées individuellement ; l'aide du PFR peut porter sur le financement de la dette de l'entreprise aussi bien que sur une éventuelle participation capitalistique temporaire avec trois propositions prédéfinies :
    • financement de liquidités sous forme d'un prêt ou d'obligations pour 2 ans au maximum et un montant maximum de 1 Md PLN (234 M EUR),
    • prêts préférentiels, d'une valeur maximum de 750 M PLN (176 M EUR) pour une période de 3 ans au maximum, partiellement non-remboursables en fonctions des pertes subies par l'entreprise et du maintien du niveau d'emploi
    • le soutien devient non-remboursable à 75% au bout de 12 mois à condition que l'entreprise maintien son activité et les emplois.
  • financement d'investissement sous forme de reprise d'instruments capitalistiques (parts sociales ou actions) ou aide publique d'une valeur de 1 Md PLN au maximum (234 M EUR).


Les conditions supplémentaires d'éligibilité sont les suivantes : entreprise en activité au jour du 31 décembre 2019, absence de dette fiscale au jour du 29 février 2020 ou au jour de l'octroi du financement dans le cadre du "bouclier financier". Les bénéficiers effectifs des entreprises doivent par ailleurs avoir leur résidence fiscale en Pologne et déclarer leurs impôts sur les deux derniers années en Pologne.

Le programme sera financé par le PFR ; le Fonds émettra des obligations qui pourront être rachetées par la Banque centrale (NBP). Le gouverneur Adam Glapiński a confirmé le principe que "la banque centrale ne finances pas les dépenses du gouvernement" mais il a déclaré que la NBP "fera son possible pour que les conséquences de la crise soient atténuées au maximum pour l'économie polonaise". Il a précisé que la coopération de la banque centrale avec le gouvernement consiste avant tout à apporter des liquidités aux entreprises. Enfin, M. Glapiński a indique que dès la fin de l'épidémie du coronavirus, "une forte compétition internationale" est prévue pour ce qui concerne les débouchés commerciaux, les cours de devises et l'expansion de différentes économies ; la NBP "est prête faire face à ces défis du futur".

Pour financer le "bouclier financier, Paweł Borys, président du PFR, annonce dans les deux prochains mois des émissions d'obligations à maturité de deux, trois et quatre ans pour une valeur de 100 Md PLN (23,4 Md EUR).

Contrairement à la première version du "bouclier anticrise" du 18 mars, la présentation du "bouclier financier" qui le complète a été favorablement accueillie par les organisations patronales. On notera la déclaration de Maciej Witucki, président de Lewiatan, qui s'est félicité du nouveau dispositif considéré comme étant "à la mesure des attentes des entreprises et des enjeux". Il a indiqué qu'avec une enveloppe de 100 Md PLN dédiés aux bénéficiaires d'après des règles simples et transparentes, le moral des entreprises est de retour surtout que la gestion du programme par le PFR, qui "est la moins bureaucratisée des institutions publiques", laisse croire que les financements pour les entreprises seront disponibles rapidement. Le ZPP (Związek Przedsiębiorców i Pracodawców), une autre organisation patronale, a fait savoir dans son communiqué qu'en injectant massivement de nouveaux fonds dans l'économie, le gouvernement a pris des "mesures courageuses et adéquates aux enjeux économiques de l'épidémie" du coronavirus. Le communiqué met en exergue les modalités a priori simplifiées d'accès pour les entreprises à de nouveaux financements ce qui laisse espérer le possible sauvetage de nombreux entreprises et emplois. D'après le président de ZPP Cezary Kaźmierczak, le nouveau plan financier permettra de sauver de "1 à 3 millions d'emplois". Le BCC est une autre organisation patronale qui a exprimé sa satisfaction du fait de la mise en oeuvre du "bouclier financier".
On notera toutefois que le directeur général de Lewiatan, M. Baczewski a exprimé sa préoccupation du fait que la part des financements dédiés aux grandes sociétés (25 Md PLN) pourrait être insuffisante vu les besoins de ces entreprises qui représentent "jusqu'à 3 millions d'emplois".

Conclusions : Le programme d'injection massive de liquidités dans l'économie annoncé par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, dont la valeur correspond à 4,5% PIB, porte le coût total du programme anticrise à un niveau de près de 14% du PIB, soit une ampleur inédite depuis la transition économique de 1990. En répondant, avec son nouveau "bouclier financier", aux attentes des entreprises inquiètes de la détérioration de leurs fluidités, le gouvernement souhaite apaiser leur inquiétude et atténuer les conséquences , pour l'emploi et pour le tissu économique, d'une possible récession prévue en 2020 par plusieurs économistes. Certains analystes comme Rafał Benecki d'ING BSK s'interrogent sur l'ampleur sans précédent de l'implication de la Banque centrale (NBP) dans le rachat d'actif qui pourra atteindre dans les prochains mois au total 185 Md PLN (43,3 Md EUR), soit 8,4% du PIB (dont 3,9% correspond au rachat d'obligations du Trésor pour 90 Md PLN, soit 21 Md EUR) et sur les conséquences de cette implication pour la stabilité du zloty. M. Raczyński de Noble Fund indique que les modalités de financement du nouveau dispositif via le PFR et la NBP permettent de "cacher" une hausse conséquente de la dette publique au détriment de la transparence des finances publiques, un sujet qui méritera d'être clarifiée à l'issue de la crise du coronavirus.

Nouvelles mesures

En complétant le premier plan d'aide aux entreprises du 18 mars dernier dit "bouclier anticrise", le Premier ministre a annoncé le 8 avril, un ambitieux programme d'injection de liquidités dans l'économie dénommé "bouclier financier" (Tarcza Finansowa), de 100 Md PLN (23,4 Md EUR), soitenviron 4,5% du PIB, dont 60 Mds PLN (14 Md EUR) pourrait avoir un caractère non-remboursable. Ce programme sera géré par le Fonds polonais du développement (PFR), qui émettra des obligations qui pourront être rachetées par la Banque centrale (NBP). A la différence du 1erplan, critiqué et jugé insuffisant car trop concentré sur les microentreprises et les banques, le nouveau dispositif financier a été favorablement accueilli par les entreprises mais porte l'effort public à un montant très élevé (14% du PIB) sachant qu’une partie du fardeau sera supportée par la Banque centrale.La Banque centrale polonaise (NBP) a baissé une 2ndefois son taux directeur le portant à 0,5%.

 

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