Analyses & Etudes

Les grosses fraudes fiscales requièrent une analyse minutieuse

<p style="text-align: justify;" align="justify"><span style="font-family: Arial, serif;"><strong>Il arrive qu’un contrôle fiscal dans la société déclenche une procédure pénale-fiscale, et, de plus en plus souvent, également une procédure pénale à l’encontre des dirigeants (membres du directoire). Or, il faut examiner minutieusement, si les conditions de la responsabilité pénale-fiscale des dirigeants sont effectivement remplies. En réalité, il n’est pas rare que les membres du directoire agissant chacun dans le champ de leurs compétences n’aient pas de fondement pour soupçonner l’existence d’irrégularités dans les règlements fiscaux.</strong></span></p>

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L’état de fait présenté ci-après est hypothétique, mais l’enchaînement pareil de faits a fréquemment apparu ces dernières années.

Une coïncidence étonnante

Une société ?  responsabilité limitée exerce son activité dans le domaine du commerce de grains de café. La société achète la marchandise aux grossistes de renommée ou importateurs et la revend aux fournisseurs desservant les bureaux et aux traiteurs. Le marché du café est très dispersé, ce qui veut dire que de nombreux acteurs y exercent leur activité ?  échelle variée.

Le directoire de la société est composé de trois personnes. L’une d’elles est responsable de la prospection des fournisseurs et des débouchés commerciaux, ainsi que des activités marketing, y compris la présentation de l’offre de la société lors des foires et salons. Un autre membre du directoire assume la direction financière. Le troisième est en charge de l’activité opérationnelle, de la logistique et des autres questions d’actualité.

Lors d'un salon en 2014, un entrepreneur se présentant comme distributeur de café livrant aux organisateurs d’événements et aux traiteurs dans le Nord de la Pologne a visité le stand de la société. Après avoir pris note de l’offre de la société, il a précisé qu’il était intéressé ?  acheter trois tonnes de café – un mélange de grains arabica et robusta torréfié par le fabricant Grado Espresso – au prix net de 60 PLN le kilo. Par ailleurs, il a indiqué qu’il s’agissait d'une commande ?  titre d’essai, pour vérifier la fiabilité du fournisseur. La société n’avait pas ce produit dans son offre commerciale, mais le membre du directoire présent au salon a gardé la carte de visite de l’entrepreneur nouvellement rencontré. Deux semaines plus tard, un autre entrepreneur inconnu a appelé la société en proposant la livraison du café Grado Espresso au prix net de 57 PLN le kilo. La société lui en a acheté trois tonnes ?  titre d’essai et les a revendues ?  l’entrepreneur rencontré au salon.

La collaboration avec les nouveaux contacts a vite pris de l’envergure. Lorsque les volumes commandés ont augmenté, la société a commencé ?  utiliser les services du transporteur recommandé par le nouveau fournisseur, assurant ainsi le transport des marchandises directement entre le fournisseur et le client.

La visite de l’Inspection Fiscale

En 2016, l’Inspection Fiscale a sonné ?  la porte de la société. Au cours du contrôle effectué, il a été constaté que la société a participé avec ses cocontractants ?  un enchaînement criminel des opérations. L’endettement fiscal de la société en terme de TVA pour les mois consécutifs de 2014, découlant du retrait du droit de déduire la TVA déductible facturée par le fournisseur de la marchandise et par le transporteur en raison de l’inexistence des opérations effectives (absence de commerce), a été estimé ?  quelques millions zlotys.

En motivant sa décision, l’administration fiscale a indiqué qu’elle n’était pas obligée d’examiner si la société a agi de bonne foi (c’est-? -dire si elle avait fait preuve de la diligence requise dans le choix du fournisseur) au vue des opérations inexistantes. En revanche, l’administration fiscale a estimé que la société a démarré la collaboration avec les entrepreneurs qu’elle ne connaissait pas, les membres du directoire étant conscients de la croissance rapide et inhabituelle des affaires. Par ailleurs, l’administration fiscale a souligné que la société n’a pas suffisamment vérifié l’identité du cocontractant, en jugeant  ?  léger   ? le recours aux services des transporteurs inconnus. Parmi les preuves, il y a les décisions fiscales émises par l’administration fiscale ?  l’encontre des cocontractants de la société et de leurs coopérants, témoignant de l’existence d'un cercle clos des fournisseurs. La décision concluait par la constatation que la société était d’accord pour participer ?  un schéma d’activité criminel.

La responsabilité des membres du directoire

Est-ce que les constatations de l’Inspection Fiscale devraient avoir un rôle décisif dans l’évaluation de la responsabilité des membres du directoire au cours de la procédure pénale-fiscale?

Une procédure pénale-fiscale parallèle ?  un contrôle fiscal ou en résultant s’inspire des informations qui pénètrent dans le dossier. D’où l’administration fiscale est tenue en particulier ?  assurer la régularité des constatations de fait et ?  appliquer le droit matériel. Le ministère public ne devrait pas accepter aveuglement les constatations et l’évaluation juridique, effectuées pendant le contrôle.

L’étendue de l’examen effectué par l’Inspection Fiscale

Pendant la procédure, l’administration fiscale devrait entreprendre toute mesure indispensable pour expliquer en détail l’état de fait et trancher l’affaire. Le fond (l’objet) du dossier délimite l’étendue des circonstances que l’administration fiscale peut et est chargée de contrôler.

En ce qui concerne les fraudes carrousel, l’administration indique le plus souvent dans ses décisions que les factures qui sont émises par une entité inexistante ou qui font état des opérations inexistantes, ne justifient pas la déduction de la TVA déductible ou le remboursement de la TVA collectée. Sous réserve de constater l’existence d'une opération effectivement réalisée, l’administration examinera s’il est possible de constater en s’appuyant sur des critères objectifs que le contribuable savait ou aurait dû savoir que la transaction censée justifier ladite déduction, s’associait ?  une infraction commise par l’émetteur de la facture ou une autre personne ayant agi ?  une étape antérieure de la transaction.

L’étendue de l’examen dans le cas de la société en question

Conformément ?  l’état de fait de l’espèce, les membres du directoire ne connaissaient que partiellement les modalités de la collaboration avec les nouveaux cocontractants. Le rôle du premier s’est terminé au moment du démarrage de la collaboration  ; le rôle du directeur financier ne couvrait que l’examen des flux financiers et de la régularité des documents, tandis que le membre du directoire en charge de la logistique était censé veiller ?  la croissance du volume des ventes et ?  la collaboration avec le transporteur.

Or, l’administration a jugé que la transaction n’avait pas eu lieu, donc la société n’avait pas droit ?  déduire la TVA. Du coup, l’administration fiscale s’est libérée de l’obligation de vérifier si le contribuable avait effectivement agi de bonne foi. Indépendamment, l’administration s’est exprimée sur la conscience des membres du directoire en constatant que tous les trois avaient la connaissance de ces démarches criminelles.

De fait, par cette constatation, l’administration fiscale a associé les connaissances de chacun des membres du directoire ?  ce qui a été déterminé lors des autres contrôles, pour, ensuite, attribuer la totalité de ces connaissances aux membres du directoire in gremio. Par l? -même, l’administration fiscale s’est prononcée au-del?  des limites du fond du dossier, en jugeant que la société avait eu l’intention de prendre part ?  une fraude carrousel.

Le rôle du ministère public

La mission du ministère public est importante. En apparence, les circonstances de fait ont été expliquées au cours du contrôle, mais beaucoup de constatations restent en effet contestables.

Le ministère public est censé déterminer les éléments factuels séparément pour chacune des personnes impliquées, car la responsabilité d'un co-auteur du délit dépend du fait s’il agissait intentionnellement ou pas. Une telle atomisation de la procédure est en fait l’une des exigences distinguant un contrôle fiscal d'une procédure pénale-fiscale. Les conclusions de l’administration fiscale faites au cours d'un contrôle (qu’elles soient reconnues trop radicales, ou non) devraient porter sur la société, soit le contribuable. En revanche, une procédure pénale-fiscale concerne le membre du directoire en personne.

Le rôle du mandataire et de l’avocat

Lors d'un contrôle fiscal, ?  part les démarches effectuées au fond, le mandataire social est censé veiller ?  ce que l’administration fiscale interprète correctement les démarches des personnes concernées, et remettre en cause les fausses allégations de l’administration fiscale, même si elles ne semblent pas essentielles pour le résultat. Or, de telles allégations peuvent, par la suite, avoir un impact sur le déroulement de la procédure pénale-fiscale.

Lors d'une procédure pénale-fiscale, l’avocat devrait avant tout démontrer les défauts de la décision émanant de l’administration fiscale, notamment ceux qui sont indifférents pour la solution en matière fiscale (car les circonstances qui comptent sont examinées par les cours administratives), et n’ont pas été éliminées en cours du contrôle.

Conclusion

L’attitude proactive du mandataire social lors du contrôle fiscal est indispensable, car il est difficile de combattre les constatations de l’administration fiscale par la suite, au moment de la procédure pénale-fiscale. En pratique, les constatations de l’administration deviennent une présomption non officielle, et par conséquent, l’avocat est amené ?  démontrer l’innocence du membre du directoire.

Au cours de la procédure, un entrepreneur honnête peut recourir au nombre d’arguments, en commençant par les arguments formels, telle démonstration que le cocontractant a accompli tous les enregistrements légalement requis, pour finir par la démonstration que la transaction réalisée s’inscrit dans la pratique du marché, les prix appliqués ne divergeant pas excessivement des prix normalement pratiqués sur le marché.

Toutefois, la véritable clé de la sécurité de la société et des membres du directoire réside dans la prévention. Cette dernière consiste ?  réviser le portefeuille des cocontractants et ?  en éliminer les fournisseurs ?  risque, ?  désigner les procédures de vérification des nouveaux cocontractants adaptées ?  la spécificité du secteur de l’activité commerciale, et parfois également ?  corriger les déclarations fiscales si et autant que nécessaire.

Une telle approche est indispensable, car les entrepreneurs honnêtes sont utilisés instrumentalement par les fraudeurs de plus en plus fréquemment. Par conséquent, il n’est pas rare que les entrepreneurs fiables ressentent le plus péniblement les effets d’activité de l’administration fiscale et des services répressifs. Car au vu de leur inefficacité vis-? -vis des fraudeurs, l’administration reporte les conséquences négatives – aussi bien financières, pénales-fiscales, que pénales ces derniers temps – sur les entités ?  la portée de main et disposant d’actifs quelconques.

Dariusz Wasylkowski, avocat, conseiller fiscal, associé en charge de la pratique du droit fiscal

Wojciech Marszałkowski, avocat, pratique du droit fiscal

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