Analyses & Etudes

Abrogation des dispositions sur le titre exécutoire bancaire, c’est-à-dire : la Cour constitutionnelle dans le rôle de législateur négatif

<p style="text-align: justify;"><strong>Dans son jugement du 14 avril 2015 (rôle P 45/12) la Cour constitutionnelle a constaté que les dispositions du Droit bancaire permettant aux banques d’émettre des titres exécutoires bancaires et d’ouvrir, sur cette base, des procédures exécutoires – art. 96 alinéa 1 et art. 97 alinéa 1 du Droit bancaire – portaient atteinte au principe d’égalité inscrite dans la Constitution. Les dispositions susmentionnées seront abrogées, mais seulement à partir du 1<sup>er</sup> août 2016 ; l’idée est de laisser le temps nécessaire pour finaliser les affaires en cours et de permettre au législateur d’adopter des dispositions modifiantes et transitoires. </strong></p>

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La Cour a constaté que les dispositions sur les titres exécutoires bancaires portaient atteinte au principe d’égalité inscrite dans la Constitution, et ceci sur trois dimensions  :

  • dans les relations entre la banque et le client,
  • dans les relations entre les banques en tant que créanciers et les autres créanciers,
  • dans les relations entre les débiteurs des banques et ceux d’autres entités.

La Cour considère que la relation d’engagement établie entre la banque et son client doit être bâtie sur le principe d’égalité et de volonté libre des parties. Mais elle trouve que le client ne dispose pas d’autant de pouvoir pour défendre ses droits et intérêts contractuels que la banque. Elle perçoit la procédure d’émission et d’apposition de la clause exécutoire aux titres exécutoires bancaires comme la cause principale de cette inégalité.

Actuellement, la banque émet le titre d’exécution sur la base de la déclaration faite au préalable par le client dans laquelle celui-ci se soumet ?  l’exécution en application du titre exécutoire bancaire. Le titre d’exécution est émis sans qu’un tribunal de droit commun examine l’affaire sur le fond, la banque ne doit pas, non plus, informer le client débiteur qu’elle saisit le tribunal pour obtenir la clause d’exécution. Le débiteur ne participe pas ?  la procédure de clause, l’examen formel par le tribunal de la demande soumise par la banque étant limité au contenu de trois documents, ?  savoir  :

  • la demande d’apposition de la clause exécutoire,
  • le titre exécutoire,
  • la déclaration faite au préalable par le débiteur dans laquelle il se soumet ?  l’exécution.

Le délai d’instruction dont dispose le tribunal pour examiner la demande soumise par la banque d’apposer la clause exécutoire est de 3 jours.

En conséquence, le client de la banque ne peut contester le fond du titre exécutoire établi ?  son encontre qu’après l’ouverture de l’exécution, en ouvrant une action tenant ?  agir contre exécution (art. 840 du code de la procédure civile), et doit payer une redevance due pour l’ouverture de l’action (5 pour cent de la valeur de la demande) et rassembler des preuves pour démontrer le bien-fondé de l’action portée.

La Cour constitutionnelle trouve aussi que la procédure actuelle d’établissement et d’exécution des titres exécutoires bancaires met en valeur la position privilégiée des banques en tant que créanciers par rapport aux autres créanciers du même débiteur. D’autre part, le débiteur d’une banque a une position moins forte qu’un débiteur de toute autre entité.

La Cour a souligné aussi que les banques disposaient aussi d’autres instruments pour exécuter les créances auprès des débiteurs dans un court délai et de façon efficace, tels que lettre de change qui peut servir de base d’une injonction de payer émise en application de l’art. 491 et de l’art. 492 du code de la procédure civile. De plus, les débiteurs peuvent continuer ?  déposer les déclarations, sous forme d’acte notarié, par lesquelles ils se soumettent ?  l’exécution en vertu de l’art. 777 du code de la procédure civile.

Or, la décision de la Cour ne signifie pas que le titre exécutoire bancaire ne sera pas applicable dans sa nouvelle forme résultant de la nouvelle réglementation avant le 1er août2016. Selon les informations divulguées par  la presse, le ministère des finances est en train de modifier la réglementation concernant le titre exécutoire bancaire. Les banques seront d’ores et déj?  légalement obligées, avant d’émettre le titre exécutoire bancaire, de sommer le débiteur ?  payer et de l’informer qu’?  défaut de paiement ?  la date indiquée dans la sommation, elles émettront un titre exécutoire. Le délai pour régler la dette et établir le titre ne pourra être plus court que celui indiqué dans la loi. De plus, la banque sera obligée de joindre au dossier de prêt des documents distincts, ?  savoir  : une instruction concernant les effets juridiques du titre exécutoire bancaire et une déclaration du débiteur en vertu de laquelle il se soumet ?  l’exécution.

L’entrée en vigueur de la décision a été reportée en vertu de l’art. 190 alinéa 3 de la Constitution de la Pologne pour éviter le chaos dans le trafic bancaire, mais, comme l’a indiqué le juge-rapporteur Teresa Liszcz, les tribunaux statuant actuellement dans les affaires similaires devront être plus vigilants au respect des valeurs constitutionnelles. D’autre part, il sera impossible de rouvrir les procédures classées pour empêcher l’effet rétroactif.

Néanmoins, ces éclaircissements ne dispersent pas les doutes concernant l’application par les tribunaux de droit commun des dispositions non-constitutionnelles durant la période d’ajournement de l’entrée en vigueur de la décision. Cependant eu égard au fait que les dispositions non-constitutionnelles sont largement appliquées dans les procédures exécutoires, il est probable que la Cour constitutionnelle s’y référera dans les motifs ?  son jugement. En vertu de l’art. 71 alinéa 3 de la loi sur la Cour constitutionnelle, celle-ci est tenue d’établir des motifs écrits au plus tard dans un mois suivant la prononciation du jugement.

Damroka Kościelak
+48 22 50 50  707
Damroka.koscielak@eversheds.pl

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