Actus des entreprises

Les transactions intracommunautaires doivent être neutres au regard de la TVA

Dans son arrêt du 12 juillet 2019 (rôle III SA/Wa 141/19), le Tribunal Administratif de Voïvodie à Varsovie a jugé une fois de plus, qu’une partie des dispositions de la loi TVA polonaise étaient contraires au principe de neutralité de la TVA. Il s’agissait cette fois-ci des dispositions applicables depuis 2017 concernant l’acquisition intracommunautaire de biens, qui dans le cas de l’application du mécanisme de l’autoliquidation, peuvent empêcher de déduire la taxe en amont indiquée dans la même déclaration fiscale, où l’impôt dû (en aval) a été déclaré. Le principe de neutralité du règlement de la TVA dans ces circonstances découle entre autres de l’article 167 de la Directive 2006/112/UE, conformément auquel le droit à la déduction de la taxe naît au moment, où la taxe soumise à la déduction devient exigible.

La question de la conformité aux réglementations de l’UE des restrictions insérées à la loi polonaise concernant le règlement de la taxe selon le mécanisme de l’autoliquidation a souvent été soulevée ces dernières années dans la jurisprudence des tribunaux administratifs. Il faut rappeler, que ce mode de règlement ne concerne actuellement non seulement les transactions transfrontières, mais également certaines transactions nationales (à titre d’exemple, réalisées sur le marché des services de construction ou de la commercialisation de téléphones portables). Les préoccupations des assujettis et des tribunaux concernaient les dispositions qui autorisaient à l’assujetti de déduire la taxe en amont au titre de ces transactions pendant la même période de référence, au cours de laquelle l’assujetti a fait apparaître l’impôt dû (en aval), à condition cependant, que la transaction soit réglée au plus tard au cours de l’une des trois périodes de référence suivant l’écoulement de la période de la naissance de l’obligation fiscale. Lorsque la taxe en aval n’a pas été déclarée dans le délai visé ci-dessus, l’assujetti doit alors déclarer l’impôt en amont pendant la période de référence, pour laquelle le délai de dépôt de la déclaration fiscale (rectification « courante ») ne s’est pas encore écoulé. Ainsi donc, l’application des dispositions visées ci-dessus donnerait lieu en principe à un arriéré fiscal en matière de TVA résultant de l’impossibilité de déclarer la taxe en amont et la taxe en aval pendant la même période de référence. Cela signifie que l’assujetti est tenu de payer l’arriéré fiscal avec les intérêts de retard. D’autre part, à compter de 2017, en cas de déduction anticipée de la taxe en amont, l’acquéreur d’un bien ou service risque des sanctions supplémentaires égales à 30% de l’arriéré fiscal.

Détail d'une actualitéDétail d'une actualité La restriction décrite ci-dessus semble être contraire au principe communautaire de neutralité de la TVA, ce qui est confirmé par une partie d’arrêts des tribunaux administratifs, par exemple dans l’arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Szczecin du 4 avril 2019 (rôle I SA/Sz 897/18), dans l’arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Cracovie du 14 décembre 2018 (rôle I SA/Kr 1199/18) et du 29 septembre 2017, (rôle I SA/Kr 709/17), dans l’arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Varsovie du 15 mai 2018 (rôle III SA/Wa 2488/17) et du 25 janvier 2019 (rôle III SA/Wa 1039/18). La nécessité de tenir compte des dispositions de la Directive dans les décisions sur les droits et obligations des assujettis qui règlent la taxe en amont et en aval conformément au mécanisme de l’autoliquidation a également fait l’objet d’arrêts des tribunaux administratifs : arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Wrocław du 30 août 2018, rôle I SA/Wr 604/18, arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Łódź du 26 septembre 2018, rôle I SA/Łd 402/18, arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Wrocław du 12 juillet 2018, rôle I SA/Wr 479/18.

Bien qu’une partie de ces arrêts ne soient pas encore justifiés sous forme écrite, l’élément essentiel soulevé à chaque fois par les tribunaux était le principe communautaire de la neutralité de la TVA, qui s’applique tout particulièrement au règlement de la taxe en amont et en aval sur la base du mécanisme de l’autoliquidation. Conformément à ce principe, l’aquéreur d’un service soumis au règlement sous forme de l’autoliquidation, qui est une exception aux règles générales d’imposition à la TVA, ne devrait pas supporter les conséquences économiques négatives du règlement dans la même déclaration fiscale de la taxe en amont et de la taxe en aval au titre d’une transaction donnée. De même, le législateur ne devrait imposer aucune condition supplémentaire limitant le droit à la déduction de la taxe en amont au moment de la naissance de l’obligation fiscale liée à la taxe en aval. En conséquence, il découle des dispositions de la Directive 2006/112/UE, que puisque la taxe en aval au titre de l’acquisition d’un bien ou service est devenue exigible au cours du mois de la naissance de l’obligation fiscale en matière de TVA, l’assujetti a également le droit de déduire la taxe en amont au cours de cette même période.

La jurisprudence des tribunaux administratifs n’est cependant pas uniforme. Il y a eu ces dernières années des arrêts, où les tribunaux ont considérés, que le report dans le temps du droit de l’assujetti à la déduction de la taxe en aval ne signifiait pas que les dispositions polonaises étaient en opposition aux dispositions de la Directive 2006/112/UE – par exemple l’arrêt du Tribunal Administratif de Voïvodie à Gliwice du 1 octobre 2018 (rôle III SA/Gl 593/18), du 23 janvier 2019 (rôle III SA/Gl 1090/18), du 1 avril 2019 (rôle III SA/Gl 1219/18) ainsi que les arrêts du Tribunal Administratif de Voïvodie à Opole du 13 février 2019 (rôle I SA/Op 1/19), 13 mars 2019 (rôle I SA/Op 12/19) et 22 août 2018 (rôle I SA/Op 246/18).

Les arrêts positifs pour les assujettis cités en début de ce bulletin, s’inscrivant dans la ligne d’interprétation positive, prouvent bien qu’une approche critique des dispositions de la loi TVA polonaise ainsi que la possibilité de "protection" de l’assujetti contre une interprétation restrictive de ces dispositions et contre l’application de sanctions qui en découlent, sont indispensables. Il faut également espérer, que la position négative pour les assujettis ne sera pas dominante dans l’avenir. En effet, l’assujetti ne doit pas supporter les conséquences négatives liées à une implantation erronée des dispositions communautaires au régime juridique polonais. Dans ces situations, l’assujetti a le droit de faire directement référence aux dispositions de la Directive 2006/112/UE, dans la mesure où les dispositions auxquelles l’assujetti fait référence sont explicitement claires et inconditionnelles, ce qui est le cas pour l’article 167 de la Directive 2006/112/UE.

Il vaut rappeler en marge de ce qui précède, qu’à compter du 1 novembre 2019, le règlement des transactions nationales fondées jusqu’à présent sur le mécanisme de l’autoliquidation sera remplacé pour certaines livraisons de biens et de services (par exemple pour la livraison d’acier, de ferraille, d’équipements électroniques, d’or, de métaux non ferreux, de carburants et de matières plastiques ainsi que pour les services de construction) par le mécanisme obligatoire du paiement fractionné (split payment). Cela signifie, que l’acquéreur d’un service ou d’un bien ne sera plus tenu de régler la taxe en aval et de la verser au fisc. Au lieu de cela, un versement par l’acquéreur du bien ou du service supérieur à 15 milles PLN HT, interviendra sur un compte TVA indépendant du fournisseur ou du prestataire de service.

En revanche, les nouvelles dispositions ne changeront pas les modalités de règlement des transactions intracommunautaires, où c’est l’acquéreur qui est assujetti à la TVA, c’est-à-dire les acquisitions intracommunautaires de biens et l’importation de services. Il faut donc tenir compter de la possibilité d’interprétations restrictives des dispositions polonaises avec l’application de l’interprétation communautaire, pour laquelle le principe de neutralité est fondamental.

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