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La retenue à la source – nouvelles obligations des contribuables et leur responsabilité pour le non prélèvement de l’impôt

Parmi les nombreux changements intervenant dans le droit fiscal polonais depuis le 1 janvier 2019, il y a des changements révolutionnaires concernant les règles de prélèvement de l’impôt à la source au titre d’intérêts, redevances de licences, certains types de services déterminés ainsi qu’au titre des versements liés à la participation aux bénéfices des personnes morales. Les nouvelles réglementations ont modifié de façon décisive le système actuel, en imposant aux contribuables des obligations supplémentaires en matière de vérification ainsi qu’en exacerbant la responsabilité des contribuables pour le non prélèvement de l’impôt ou pour un prélèvement d’un montant inférieur.

Les nouvelles réglementations suscitent de nombreux doutes d’interprétation, qui, en y ajoutant un plus grand risque de sanctions, préoccupent les entités tenues de prélever l’impôt. En conséquence, la nouvelle situation juridique peut donner lieu à des prélèvements à la source sans tenir compte d’exonérations ni de réductions.

La source des craintes des contribuables se trouve dans trois actes juridiques qui ont été modifiés, soit : la loi sur l’impôt sur les sociétés, la loi sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques et la loi sur le régime fiscal.

L’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu des personnes physiques

Les nouvelles dispositions en matière d’impôts sur le revenu distinguent les règles de prélèvement de l’impôt par le contribuable en fonction du montant de la prestation versée.

Cependant, chaque fois que le contribuable souhaite prélever l’impôt pour un montant inférieur à ce qui découle de l’application du taux principal, ou bien qu’il envisage de ne pas prélever d’impôt, il doit faire preuve de due diligence lors de la vérification du statut de l’assujetti et des documents que ce dernier lui a remis. Le législateur n’indique cependant pas ce qu’il faut entendre par l’expression "due diligence". Les nouvelles dispositions exigent néanmoins, que les actes entrepris par le contribuable dans ce domaine correspondent à la nature et à l’échelle de l’activité qu’il exerce. Le Ministère des Finances a considéré dans son projet d’explications des nouvelles réglementations, que dans le cadre de la due diligence il fallait entreprendre des actes qui consistent notamment à vérifier les documents obtenus du point de vue de leur conformité à la situation réelle ainsi qu’à vérifier la résidence fiscale du bénéficiaire des paiements et du statut du contractant en sa qualité d’assujetti. Tandis que pour apprécier, si la due diligence a bien été respectée, il faut tenir compte d’informations généralement accessibles au sujet des bénéficiaires des paiements, ces informations pouvant être trouvées dans la presse, les médias, les registres publiques, etc.

L’élément principal de l’analyse du statut d’assujetti par le contribuable est de répondre à la question, s’il est le bénéficiaire effectif (beneficial owner) des paiements qui lui sont versés. Ce n’est qu’alors qu’il est possible d’appliquer un taux d’impôt réduit ou d’appliquer l’exonération d’impôt. Conformément à la nouvelle définition, on entend par bénéficiaire effectif une entité qui obtient des paiements pour son propre avantage et qui décide elle-même à quoi ces paiements seront destinés et supporte le risque économique lié à la perte de tout ou partie de ces paiements, qui n’est ni un intermédiaire, ni un représentant, ni un fiduciaire ou une autre entité tenue juridiquement ou réellement à transmettre tout ou partie des paiements à une autre entité, et qui par ailleurs, exerce une activité économique réelle dans l’Etat de son siège, si les paiements sont obtenus dans le cadre de l’activité économique exercée. Selon l’avis du Ministère des Finances, le fait d’exercer une activité réelle est déterminé par l’existence d’une base matérielle et personnelle permettant une telle activité. La détermination que le bénéficiaire des paiements est leur bénéficiaire effectif nécessitera donc une vérification de certains faits supplémentaires. Cela signifie en pratique, que le contribuable, avant de prélever l’impôt, doit effectuer une analyse détaillée des documents fournis par l’assujetti, ainsi que des informations qu’il a rassemblées lui-même à son sujet.

La situation se complique encore plus lorsque la valeur des prestations versées par le contribuable au profit du même assujetti dépasse au cours de l’exercice fiscal le montant de 2.000.000 PLN. En effet, le contribuable doit alors prélever l’impôt sans tenir compte d’exonérations fiscales ni des dispositions des conventions sur la non double imposition.

Néanmoins, certaines exceptions sont prévues à cette règle. Le contribuable pourra appliquer l’exonération de l’impôt à la source découlant des dispositions de la loi, s’il présente une opinion du fisc sur la possibilité d’application de cette exonération. Cela s’applique entre autres aux versements des paiements au titre d’intérêts, des droits d’auteur, des redevances de licences et de dividendes. Cependant, si malgré l’existence de cette opinion, il découle des informations possédées par le contribuable, que l’assujetti concerné par l’opinion sur l’exonération fiscale ne remplit pas les conditions pour être exonéré, ou bien que la situation réelle ne correspond pas aux faits présentés dans l’opinion, le contribuable ne peut pas appliquer l’exonération en question. De même, si le contribuable apprend d’une source fiable, que l’opinion fiscale n’est plus actuelle, l’exonération ne pourra pas être appliquée. Les dispositions ci-dessus indiquent donc, que le contribuable, bien qu’il possède une opinion fiscale concernant l’assujetti, doit vérifier la situation de l’assujetti pour sa propre sécurité.

Le second cas particulier permettant au contribuable de pas prélever d’impôt selon le taux de base lors des paiements supérieurs à 2.000.000 PLN, est le dépôt d’une déclaration par ce dernier, confirmant qu’il possède les documents exigés par les dispositions de la loi fiscale pour appliquer un taux d’imposition réduit ou bien l’exonération ou le non prélèvement de l’impôt découlant des dispositions particulières ou des conventions sur la non double imposition. D’autre part, le contribuable doit déclarer, qu’il a procédé à la vérification du statut de l’assujetti en faisant preuve de due diligence, qu’il n’a aucune connaissance des faits qui permettraient de croire, qu’il existe des circonstances excluant la possibilité d’application d’un taux d’imposition réduit ou d’une exonération. En déposant cette déclaration, le contribuable est responsable de la réalisation de toutes les conditions légales (c’est-à-dire au titre de la constatation, que le bénéficiaire des paiements en est le bénéficiaire effectif, et que la clause relative à l’évasion fiscale prévue à l’article 22c ne trouvera pas à s’appliquer). S’il s’avère, que la déclaration du contribuable est fausse, il sera tenu de payer un impôt supplémentaire égal à 10% de l’assiette d’imposition à l’égard de laquelle il a appliqué un taux d’imposition inférieur ou na pas prélevé d’impôt. En déposant la déclaration, le contribuable doit donc être conscient des conditions et conséquences d’un tel acte.

La Loi sur le régime fiscal – l’étendue de responsabilité du contribuable exacerbée

L’étendue de la responsabilité du contribuable pour le non prélèvement de l’impôt a également été exacerbée par les nouvelles dispositions de la Loi sur le régime fiscal.

Il est vrai que les réglementations en vigueur jusqu’à présent prévoyaient la responsabilité financière des contribuables pour le non prélèvement d’impôt ou pour l’impôt non acquitté, cependant jusqu’au 1 janvier 2019 le contribuable n’était pas responsable s’il n’avait pas prélevé d’impôt à la suite du fait que l’assujetti l’avait enduit en erreur. Dans cette situation, toute la responsabilité fiscale reposait sur l’assujetti. C’est lui qui était chargé de fournir toutes les informations nécessaires permettant de prélever l’impôt pour un montant inférieur ou de ne pas prélever d’impôt. Dans le cadre de ses obligations, le contribuable pouvait se fonder sur les informations fournies par l’assujetti et n’était pas tenu d’entreprendre d’autres actes supplémentaires.

Les nouvelles dispositions en vigueur depuis le 1 janvier 2019 ont limité de façon substantielle la possibilité d’exclusion de la responsabilité du contribuable pour le non prélèvement ou versement de l’impôt. Le contribuable ne pas invoquer la faute de l’assujetti et s’exonérer sur cette base de la responsabilité, si:

  • le contribuable et l’assujetti sont des sociétés affiliées;

  • le contribuable ou l’assujetti est une société contrôlée ou contrôlant en ce qui concerne le contrôle des sociétés étrangères contrôlées (CFC);

  • le contribuable ou l’assujetti est une société dont la résidence fiscale, le lieu d’immatriculation, le siège ou la direction se trouve dans un Etat ou sur un territoire qui applique une concurrence fiscale déloyale;

  • le contribuable ou l’assujetti est une société dont la résidence fiscale, le lieu d’immatriculation, le siège ou la direction se trouve dans un Etat ou sur un territoire, avec lequel la Pologne n’a pas conclu de convention internationale ratifiée, notamment une convention de non double imposition, ou bien si l’Union Européenne n’a pas ratifié la convention internationale, qui constitue la base d’obtention d’informations fiscales de la part des autorités fiscales de cet Etat;

  • le contribuable ou l’assujetti est géré ou contrôlé, directement ou indirectement, ou a des relations contractuelles ou de fait, y compris en qualité de créateur, fondateur ou bénéficier d’une fondation ou d’un trust ou d’une autre société ou d’un titre fiduciaire;

  • l’inexécution de l’obligation par le contribuable est intervenue à l’égard d’une société, dont il est impossible d’établir sur la base d’informations publiquement accessibles, l’associé, l’actionnaire ou une entité ayant des droits similaires, qui posséderait au moins 10% de parts/actions dans le capital ou au moins 10% de voix dans les organes de contrôle ou de gestion, au bien au moins 10% de droit de participation aux bénéfices.

On peut remarquer à l’occasion de l’analyse de chacune des situations qui empêchent l’exclusion de la responsabilité du contribuable, que certaines d’entre elles peuvent s’avérer difficile ou parfoit même impossible à exclure en totalité. Dans de nombreux cas, l’étendue des nouvelles dispositions prive le contribuable de toute protection et cela même lorsqu’il n’est pas responsable pour le prélèvement de l’impôt pour un montant dû.

La responsabilité pénale

Au regard des réglementations présentées ci-dessus il ne faut pas non plus oublier la responsabilité découlant du code pénal-fiscal qui repose sur les personnes agissant en qualité de contribuables ou de représentants des contribuables. Conformément aux dispositions pénales-fiscales, ces personnes peuvent être passibles d’amende maximale égale à 720 taux journaliers, et même d’une peine de prison. Compte tenu de l’extension de l’étendue d’obligations des contribuables, il est également facile d’imaginer l’extension de l’étendue d’application des dispositions pénales.

Quel avenir?

C’est à la suite de l’application des nouvelles dispositions en pratique et de l’approche du fisc en cette matière, qu’il sera possible de juger le niveau de pénibilité et de danger des nouvelles dispositions pour les contribuables de l’impôt à la source. Le Ministère des Finances a présenté, comme il a dernièrement l’usage, un ample projet d’explications des nouvelles dispositions. Les propositions qui s’y trouvent en matière de compréhension et d’application indiquent, que l’approche du fisc sera plutôt restrictive. Par conséquent, il peut s’avérer, que par crainte du risque fiscal, la meilleure solution choisie par les contribuables sera le prélèvement de l’impôt aux taux maximum. Une telle attitude peut alors avoir un impact négatif sur les relations économiques avec les contractants, qui ne seront certainement pas ravis de devoir récupérer leur argent par voie de procédures de remboursement de l’impôt surpayé et entrer dans des relations avec le fisc polonais.

Pour ne pas aggraver les conditions de coopération (par exemple en introduisant aux contrats des clauses de majoration de la rémunération versée), et en même temps pour ne pas s’exposer aux conséquences négatives découlant des nouvelles dispositions fiscales, les contribuables doivent envisager des mesures pouvant minimaliser le risque éventuel. Il peut s’avérer crucial de créer des procédures et politiques internes en matière de méthode de prélèvement de l’impôt, qui permettront de systématiser le schéma de fonctionnement. D’autre part, il sera nécessaire de maintenir le contact avec les bénéficiaires des paiements afin de pouvoir actualiser les informations et vérifier leur statut juridique et fiscal. Ces démarches permettront certainement de diminuer le niveau de risque lié à l’application des nouvelles dispositions.

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